Wednesday 29 August 2018

Albert Camus - Discours de réception du prix Nobel, 1957

Ce discours de Camus laisse une trace indelebile sur moi. Il est surprenant d'actualite, d'humanisme et d'intelligence. A quinze ans, comme pour des millions de personnes au monde, 'L'Etranger' a change ma vision du monde.
Sire, Madame, Altesses Royales, Mesdames, Messieurs,
En recevant la distinction dont votre libre Académie a bien voulu m’honorer, ma gratitude était d’autant plus profonde que je mesurais à quel point cette récompense dépassait mes mérites personnels. Tout homme et, à plus forte raison, tout artiste, désire être reconnu. Je le désire aussi. Mais il ne m’a pas été possible d’apprendre votre décision sans comparer son retentissement à ce que je suis réellement. Comment un homme presque jeune, riche de ses seuls doutes et d’une œuvre encore en chantier, habitué à vivre dans la solitude du travail ou dans les retraites de l’amitié, n’aurait-il pas appris avec une sorte de panique un arrêt qui le portait d’un coup, seul et réduit à lui-même, au centre d’une lumière crue ? De quel cœur aussi pouvait-il recevoir cet honneur à l’heure où, en Europe, d’autres écrivains, parmi les plus grands, sont réduits au silence, et dans le temps même où sa terre natale connaît un malheur incessant ?
J’ai connu ce désarroi et ce trouble intérieur. Pour retrouver la paix, il m’a fallu, en somme, me mettre en règle avec un sort trop généreux. Et, puisque je ne pouvais m’égaler à lui en m’appuyant sur mes seuls mérites, je n’ai rien trouvé d’autre pour m’aider que ce qui m’a soutenu tout au long de ma vie, et dans les circonstances les plus contraires : l’idée que je me fais de mon art et du rôle de l’écrivain. Permettez seulement que, dans un sentiment de reconnaissance et d’amitié, je vous dise, aussi simplement que je le pourrai, quelle est cette idée.
Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n’ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S’il m’est nécessaire au contraire, c’est qu’il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne pas se séparer ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d’artiste parce qu’il se sentait différent apprend bien vite qu’il ne nourrira son art, et sa différence, qu’en avouant sa ressemblance avec tous. L’artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. C’est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et s’ils ont un parti à prendre en ce monde ce ne peut être que celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne règnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel.
Le rôle de l’écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre aujourd’hui au service de ceux qui font l’histoire : il est au service de ceux qui la subissent. Ou sinon, le voici seul et privé de son art. Toutes les armées de la tyrannie avec leurs millions d’hommes ne l’enlèveront pas à la solitude, même et surtout s’il consent à prendre leur pas. Mais le silence d’un prisonnier inconnu, abandonné aux humiliations à l’autre bout du monde, suffit à retirer l’écrivain de l’exil chaque fois, du moins, qu’il parvient, au milieu des privilèges de la liberté, à ne pas oublier ce silence, et à le relayer pour le faire retentir par les moyens de l’art.
Aucun de nous n’est assez grand pour une pareille vocation. Mais dans toutes les circonstances de sa vie, obscur ou provisoirement célèbre, jeté dans les fers de la tyrannie ou libre pour un temps de s’exprimer, l’écrivain peut retrouver le sentiment d’une communauté vivante qui le justifiera, à la seule condition qu’il accepte, autant qu’il peut, les deux charges qui font la grandeur de son métier : le service de la vérité et celui de la liberté. Puisque sa vocation est de réunir le plus grand nombre d’hommes possible, elle ne peut s’accommoder du mensonge et de la servitude qui, là où ils règnent, font proliférer les solitudes. Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de notre métier s’enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir sur ce que l’on sait et la résistance à l’oppression.
Pendant plus de vingt ans d’une histoire démentielle, perdu sans secours, comme tous les hommes de mon âge, dans les convulsions du temps, j’ai été soutenu ainsi : par le sentiment obscur qu’écrire était aujourd’hui un honneur, parce que cet acte obligeait, et obligeait à ne pas écrire seulement. Il m’obligeait particulièrement à porter, tel que j’étais et selon mes forces, avec tous ceux qui vivaient la même histoire, le malheur et l’espérance que nous partagions. Ces hommes, nés au début de la première guerre mondiale, qui ont eu vingt ans au moment où s’installaient à la fois le pouvoir hitlérien et les premiers procès révolutionnaires, qui furent confrontés ensuite, pour parfaire leur éducation, à la guerre d’Espagne, à la deuxième guerre mondiale, à l’univers concentrationnaire, à l’Europe de la torture et des prisons, doivent aujourd’hui élever leurs fils et leurs œuvres dans un monde menacé de destruction nucléaire. Personne, je suppose, ne peut leur demander d’être optimistes. Et je suis même d’avis que nous devons comprendre, sans cesser de lutter contre eux, l’erreur de ceux qui, par une surenchère de désespoir, ont revendiqué le droit au déshonneur, et se sont rués dans les nihilismes de l’époque. Mais il reste que la plupart d’entre nous, dans mon pays et en Europe, ont refusé ce nihilisme et se sont mis à la recherche d’une légitimité. Il leur a fallu se forger un art de vivre par temps de catastrophe, pour naître une seconde fois, et lutter ensuite, à visage découvert, contre l’instinct de mort à l’œuvre dans notre histoire.
Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d’elle, restaurer, à partir de ses seules négations, un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir. Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d’établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu’elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d’alliance. Il n’est pas sûr qu’elle puisse jamais accomplir cette tâche immense, mais il est sûr que partout dans le monde, elle tient déjà son double pari de vérité et de liberté, et, à l’occasion, sait mourir sans haine pour lui. C’est elle qui mérite d’être saluée et encouragée partout où elle se trouve, et surtout là où elle se sacrifie. C’est sur elle, en tout cas, que, certain de votre accord profond, je voudrais reporter l’honneur que vous venez de me faire.
Du même coup, après avoir dit la noblesse du métier d’écrire, j’aurais remis l’écrivain à sa vraie place, n’ayant d’autres titres que ceux qu’il partage avec ses compagnons de lutte, vulnérable mais entêté, injuste et passionné de justice, construisant son œuvre sans honte ni orgueil à la vue de tous, sans cesse partagé entre la douleur et la beauté, et voué enfin à tirer de son être double les créations qu’il essaie obstinément d’édifier dans le mouvement destructeur de l’histoire. Qui, après cela, pourrait attendre de lui des solutions toutes faites et de belles morales ? La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir. La liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu’exaltante. Nous devons marcher vers ces deux buts, péniblement, mais résolument, certains d’avance de nos défaillances sur un si long chemin. Quel écrivain, dès lors oserait, dans la bonne conscience, se faire prêcheur de vertu ? Quant à moi, il me faut dire une fois de plus que je ne suis rien de tout cela. Je n’ai jamais pu renoncer à la lumière, au bonheur d’être, à la vie libre où j’ai grandi. Mais bien que cette nostalgie explique beaucoup de mes erreurs et de mes fautes, elle m’a aidé sans doute à mieux comprendre mon métier, elle m’aide encore à me tenir, aveuglément, auprès de tous ces hommes silencieux qui ne supportent, dans le monde, la vie qui leur est faite que par le souvenir ou le retour de brefs et libres bonheurs.
Ramené ainsi à ce que je suis réellement, à mes limites, à mes dettes, comme à ma foi difficile, je me sens plus libre de vous montrer pour finir, l’étendue et la générosité de la distinction que vous venez de m’accorder, plus libre de vous dire aussi que je voudrais la recevoir comme un hommage rendu à tous ceux qui, partageant le même combat, n’en ont reçu aucun privilège, mais ont connu au contraire malheur et persécution. Il me restera alors à vous en remercier, du fond du cœur, et à vous faire publiquement, en témoignage personnel de gratitude, la même et ancienne promesse de fidélité que chaque artiste vrai, chaque jour, se fait à lui-même, dans le silence.

Sunday 19 August 2018

Dérafraîchissant (aucun résultat trouvé pour, mot qui n'existe pas)

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                                                        voila...
                                                              

                                                                     C'etait juste pour ne rien dire.

Monday 13 August 2018

Mon ile

Mon ile affiche ses couleurs et deploie ses humeurs au gre de ses deux saisons. En ete, le souffle bleute de l'ocean vient cotoyer le gris de la precarite des cites, en hiver, les fines pluies, vaciller les esprits et consolider les prejuges. Mon ile s'auto-flagelle a coups d'injustices et d'inegalites et celebre son peuple passif et la mediocrite de ses gouvernants.

Mon ile se gave de fraudes et de drogues, de corruption et d'hypocrisie, de crimes et d'accidents. Elle en est obese. Ses contours epais dessinent des reves mauvais et un avenir incertain. Sa jeunesse la fuie comme on fuit devant une mere maquerelle sans se rendre compte que c'est elle, pourtant, qu'on s'evertue a prostituer et a polluer au fil des decennies. Colonialisme nouveau, etat d'esclavage 2.0, crasse, malveillance et oubli, ainsi est le bouquet patiemment compose qu'on leguera aux survivants de demain.

Et pourtant...

et pourtant, cela lui prend, de temps en temps, d'avoir quelques sursauts d'orgueil epars. Dans ces moments la, elle resiste a toutes les lamentations qui s'elevent dans son ciel noir tel un chant strident. Elle detournera ses yeux incredules et choisira de donner le sein a ses enfants, ce sein d'ou decoule un larak au gout de marronage et a la saveur coloniale. Elle leur fera boire la verite de leur histoire jusqu'a la lie afin qu'ils puissent enfin danser d'une seule cadence au rythme d'un sega commun.

Quand je la sillone les matins de pluie, je la regarde, mon ile, je l'observe avec mes larmes de desillusion et mon desespoir mais c'est plus fort que moi...je ne parviens pas a la detester. Ilois, je suis et il n'y a pas grand chose que je sache faire sinon aimer ce bout de terre.

Cela me touche et me rassure que mon pays ne m'ait jamais rejete, qu'il ne m'ait jamais renie, maltraite ou fait de moi un migrant. Il m'a tranquillement accepte malgre les multiples identites dont on m'a affuble...malbar, gran nassyon, piti sodnac, royalisse, athee mais jamais morisyen. ou si. morisyen uniquement quand j'ai quitte son rivage et que le son du sega, entendu au detour d'une ruelle un soir, a mecaniquement fait voltiger mes bonnes manieres et ensorcele mon corps. morisyen, des que j'entends le prenom Marcel et que tout me ramene vers Cabon comme d'autres volent vers Proust ou Pagnol. morisyen quand le mover langett -falourmama ne resonne pas comme un juron a mes oreilles mais plutot comme des mots massala, des mots chauds qui me rappelent la torridite affectueuse des echanges entre locaux.

Mon ile est composee de non-dits et de tabous. parfois il vaut mieux que certaines pensees restent au fond du ventre. Les quelques tensions palpables entre communautes ont beau etre attisees par ceux 'bien places' mais elles encore du mal a se traduire en veritable haine de l'autre. Notre peuple a traverse trop de meandres pour comprendre qu'il ne sert a rien de se dechirer sur un caillou perdu au milieu de nul part. Il aura beau avoir mille defauts ce morisyen, il est, cependant,  dans l'incapicite totale de hair cet 'autre' avec qui il vit depuis si longtemps. Son ADN en est ainsi constitue; il nait sur ces quelques kilometres de territoire et se formate pour etre dans la tolerance voire l'acceptation de l'autre et non dans son rejet.

Mon ile aux mille et une teintes, mon ile aux milles dieux, mon ile au destin etrange...




Wednesday 8 August 2018

Return to Basecamp

The return to base camp has not been as smooth as expected. True, a few positive habits have emerged like morning prayers, water bowls offerings and mindful meditation. I was happy to meet Zyad at least twice, once for dinner and the second time for a movie. We used to be so close and now we are like good old friends of a past life and I must say that it suits us well. This was how it was meant to be right from the beginning. I dined out a few times and participated to Vimla's birthday celebrations at Indra where I had not set foot in a decade. I also watched the synopsis of a film-in-the-making at Shaf's and tried to provide some guidance which, I sense, went unheard. Last but not least, I completed the latest Dan Brown.

On the other hand, a change has taken place within me, something I am not being able to identify properly. I just don't feel like being around people very much and things I used to indulge in enthusiastically before, I now feel less inclined to do. I have observed that Vimla's behavior has been affected as well. Her mum is giving her a hard time, so much so that she has to muster all her courage not to break down. Her mum is in the final stage of her illness but still keeps yelling at everyone, targeting her and her dad mainly.  Vim's patience and determination to do things right despite daily insults and humiliation is worth my admiration. Leaving this life is understandably hard and one cannot expect a good reaction to it. I feel a lot of compassion for her mum.

As for Antish, coping with his new job on a cruise ship seems to be a herculean task. He looks sad and his voice sounds exhausted when we talk. It is a huge change for him, a curve he will only be able to ride by becoming tougher and more mature. This experience, is only a glimpse of what awaits him in real life later on and the sooner he gets equipped, the better endurance he will develop. It's all about turning threats into opportunities, turning down resilience and clinging to small victories. I am more than confident that he will go through this phase very naturally. The experience of hardship definitely shapes one's psyche and Antish is stronger than he thinks, he just isn't aware of it yet.

I have met Kiran only once since I came back, his physical state not permitting any other encounter. It was half an hour spent in his company which left me somewhat disoriented and a bit uncomfortable. I was unsure as to how to approach him and thus made the choice of being reactive throughout the conversation. Was it the best option? maybe not. As he was talking I couldn't help but notice that his mind was wandering elsewhere.Celebrating our meeting after 5 years was clearly not in the agenda. I am concerned about his physical condition as well as his mental state. To make matters worse, I can already anticipate my frustration if he gets to leave without us meeting again. It would seem as if we have come all this way and not been able to talk openly, let alone bidding a proper farewell to each other. Life is rough and strange sometimes. Can 25 years of 'bro' friendship be flushed down the pipe like this?  Whom to throw the blame on? tragic circumstances?... again?
I, more than anyone else, should know better than this by now. Still... why do I have this unspoken feeling that I am about to lose yet another friend to fate? Have I really been down this road that many times?
A quote from Haruki Murakami keeps coming to my mind over & over again: "Memories warm you up from the inside. But they also tear you apart".



Douze petites minutes

Quatre rues séparent ma maison de C hez Ram où trois pains maison chauds chauds  m'attendent tous les matins. Cinq minutes à pieds pour ...