Je passe une journée relativement difficile à mon boulot aujourd’hui. J’écris
au présent car la journée est loin d’être terminée et si je ne fais pas une
pause, je risque d’être franchement démoralisé.
Une collègue a été renvoyée sans ménagement. Je l’ai emmenée avec moi au
bureau ce matin pour qu’au bout de deux heures à peine elle se fasse lapider
par la patronne. Elle a quitté le bureau en larmes et je l’ai accompagnée jusqu’au bout de
la rue afin qu’elle ne craque pas totalement. Pour lui remonter le
moral j'ai essaye d'etre philosophe en lui disant qu’il y a une raison pour tout ce qui nous arrive dans la
vie et que cette expérience va lui ouvrir les yeux sur la cruelle réalité de
certains environnements professionnels. Au fond de moi, j’avais mal pour elle
car c’est relativement humiliant d’être traité de la sorte. D’ailleurs je me demande souvent
ce qui se passe dans la tête de certains patrons de traiter des êtres humains
avec si peu de considération. Ne pas vouloir les avoir au sein d’une entreprise
est une chose, les dévaluer en tant que personnes en est une autre.
En revenant vers mon bureau, je me suis dit que ma présence au sein de cette
compagnie dépasse le cadre professionnel car il m’arrive tout le temps de
panser les blessures des autres. Peut-être est-ce cela la raison pour laquelle
je ne suis pas encore parti? Il faut se rendre à l’évidence que je n’ai aucune
raison rationnelle de rester dans ce bourbier. La patronne est volcanique, ne
supporte pas d’être contrariée, hurle à tout bout de champ et juge selon ses
propres dires qu’elle est ‘incritiquable’ et ‘parfaite’. Elle ne rate aucune
occasion pour abaisser son mari en public et fait preuve d’une telle instabilité
émotionnelle que c’en est presque pathétique. Devant le triste spectacle auquel
elle s’adonne quasi-quotidiennement, je ressens énormément de compassion. Je me
dis qu’elle a dû souffrir énormément dans sa vie et que cela ne doit pas être
facile tous les jours de vivre dans une insécurité aussi palpable.
Il est vrai que le travail lui meme me plait beaucoup. En sus de jouir d’une
certaine indépendance, je maitrise ce que je fais et je ne tombe jamais dans une routine lassante. Je passe des heures à observer les gens autour
de moi, à analyser leurs comportements et à
essayer de comprendre comment fonctionne ce petit monde qui est a bien des années lumières
du mien. Je n’ai pas encore tout saisi mais l’essentiel est la. Le bouddhisme
contribue énormément à m'aider à maintenir ma tête hors de l’eau dans un milieu ou mensonges,
coups bas, mesquineries, vulgarité font partie de mon lot quotidien. Des
regards curieux sont braqués sur moi en permanence car à ne pas parvenir à se
faire une idée précise de qui je suis, cela fini souvent par déstabiliser mes collègues.
Personne n’a jamais vraiment été là pour les consoler, les conseiller, les
guider ou même leur faire un peu la leçon. Eux trouvent cela étrange que quelqu'un ait decidé d'endosser ce role. Il m'est très difficile de ne pas tomber dans une
certaine condescendance, moi qui suis issu d’un environnement structuré et
bienveillant. Je trouve cela egalement bizarre que j’aie à me battre contre moi-même afin de
rester humble. Je pense que c'est le point de depart de tout si je fais le choix d'aller plus loin dans la compréhension
de la nature humaine.
On dit souvent que le lieu de travail est un laboratoire qui regorge de formules de toutes sortes, un endroit qui vous force à revoir votre vie a chaque moment qui
passe car vous y passez les plus longues heures de votre journee.
Je n'ai vraiment pas le moral aujourd'hui...pfffffff