Thursday 23 September 2021

Quel temps magnifique pour s'en aller

Deux enterrements deux jours de suite, le mois de Septembre a encore frappé! Lundi, celui du père de Vimla dont la vie avait ressemblé à un mauvais roman et qui vers la fin a cruellement manqué d'affection (karma noir) et mardi celui de Chit Dukhira, un ami de mon père qui s'exprimait souvent en bhojpuri, un homme affable, cultivé, populaire, un intellectuel respecté qui publiait regulièrement livres et articles (karma blanc). En revenant des funérailles je ne pus m'empêcher de remarquer à quel point il faisait beau. Certainement un des plus beaux jours de l'année jusqu'ici et selon moi la journée idéale pour tirer sa révérence. Cela m'a même frôlé l'esprit qu'un jour moi aussi je m'en irai dans un ciel d'un bleu aussi parfait, accompagné par le chant des oiseaux.

Aux obsèques, je suis tombé sur Vicky et les années n'ont rien entamé de sa bouille et de sa bonne humeur. Il n'a pas changé, parvenant, avec son naturel, à me soustraire un sourire des lèvres et à me mettre un peu de baume au coeur. Il est difficile de décrire ce genre de personnage solaire. Je souhaite à tout un chacun d'en croiser au moins un dans sa vie. Vicky est comme ce poème sur lequel on tombe par hasard et qui transforme notre vie à tout jamais, celui qui nous transmet ce sentiment de soudaine liberté et de gaieté. Il ne s'est jamais marié, n'a jamais eu de compagne ni d'enfants. Certains diront qu'il a été malchanceux mais moi, au contraire, je pense qu'il fait partie des 'happy few', de ceux qui ont la chance de vivre selon leurs propres règles sans avoir à se soucier en permanence des autres.

Nous avons aussi croisé M.Chadien en revenant à la maison. Comme ma mère, il est issu de cette génération des années 30 qui voit s'éteindre au fil des années leur voisinage tant aimé. Il a perdu son oeil vif et sa démarche enjouée depuis le décès de sa femme et même si je le vois souvent arpenter notre rue, je ne peux m'empêcher de constater que cette aura assumée qui l'accompagne inlassablement faiblit de jour en jour. Il se hâtait aux funérailles et nous a glissé que M. Dukhira était un ami qui venait lui rendre visite à la maison.  "Rendre visite", voilà bien une expression en voie de disparition. Qui rend encore visite à quelqu'un avec une boite de biscuits Bakers de nos jours? Cette image de paquet biscuit et de tasse de thé laiteuse, trop sucrée dont on nous servait de force reste statique dans ma mémoire. Dans le temps, il était mal poli de "recevoir' sans offrir une tasse de thé.

Je suis parti à deux enterrements et tout ce dont je me souviens ce soir, ce sont ces petites choses qui me font du bien; un ciel d'un bleu éclatant, le rire d'un ami au milieu d'une foule solonnelle et morose, voler deux phrases à mon voisin, avoir soudain envie d'une tasse de thé laiteuse et trop sucrée. Je me dis que c'est ma vie, là, tout autour de moi, faite de sensations et d'émotions qui esquissent leurs propres pas de danse. Même si tout change et mue, se dilate et s'évapore, il reste inlassablement en moi une vitalité infaillible qui me fait avancer avec légèreté. Et j'aime, oui, je le dis sans honte, j'aime cette conversation que j'ai avec ma propre existence, ce dialogue simple et sans détour qui me permet de vivre à la hauteur des valeurs que je me suis imposées et d'honorer les miens.





 

Douze petites minutes

Quatre rues séparent ma maison de C hez Ram où trois pains maison chauds chauds  m'attendent tous les matins. Cinq minutes à pieds pour ...