Sunday 15 May 2022

Come what May

Le mois de mai à Maurice a ceci de particulier qu'il est celui de la transition de l'été vers l'hiver et lance ainsi son invitation à des températures plus douces que d'habitude.

Hier c'était jour de marché, j'y ai accompagné ma mère et me suis fondu dans cette petite masse de gens aux yeux hagards devant la flambée des prix. Je ne reconnais pas forcément tous les visages, du moins pas autant que les gestes et les cris des maraichers et des discussions autour des prix qui n'en finissent jamais d'augmenter.

Depuis ma plus tendre enfance je me suis toujours fait à l'idée qu'au 'bazar' on passait inlassablement les chansons de Kishore Kumar, surtout ses succès des années 70 où Rajesh Khanna incarnait à l'écran le héros romantique par excellence devenant, le temps d'un tube, l'instrument de ce chanteur populaire qui faisait vibrer les coeurs dans les salles obscurs et surtout le mien dès lors même que j'arpentais les allées du marché. Les choses ont bien changé depuis quelques temps. La voix de Kishore semble s'être tue. Du vieux transistor colmaté avec un morceau de ruban adhésif, d'un élastique usé et posé à même une pile de bringelles difformes, une musique faible, presque inaudible émane. Elle semble s'excuser de feindre l'air. Moi qui aimais bien me raccrocher à ce côté désuet et bancal, cette 'chose' artisanale qui faisait le charme de mon samedi matin, j'ai maintenant l'impression de vivre dans un demi-monde.

Il y a les grands drames de ce monde tels que la guerre et l'oppression et puis il y a ces petites morts palpables de notre quotidien qui, eux, à la longue, se révèlent  tragiques à leur façon. Nous craignons que certains sons, certaines odeurs, certains gestes et réflexes voire certaines habitudes finissent un jour par nous manquer sachant qu'ils font partie de cette petite mémoire qui, rassemblée, compose tout un patchwork donnant un sens à notre vie, ces choses simples et sans chichis.

Je regarde par la fenêtre et je me dis qu'il me reste encore ce ciel du mois de mai le soir tombant pour pousser des soupirs. Il n'y a rien de plus fascinant dans l'entre-saison, que d'admirer ce ciel couleur de vin brut rosé, dépourvu d'horizon me raconter un récit différent chaque soir avant qu'apparaisse la première étoile. Si l'ambiance dans le pays oscille entre amour et désamour envers les dirigeants, entre craintes et doutes sur lesquels se construisent notre quotidien, je me raccroche à la beauté des lieux et à ces moments fébriles mais purs de la journée qui façonnent notre imaginaire et nous poussent à lire entre les lignes pour comprendre que sur cette ile si petite, si tendue, la magie ne subsiste pas uniquement dans la nostalgie mais aussi et surtout dans ce qui nous entoure.




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