Le baiser

Toutes ces années de vie et pourtant un soir, au milieu de l'obscurité, au milieu de nulle part, quelqu'un vous serre dans ses bras et soudain vous avez l'impression de tout apprendre à nouveau. C'est comme-ci vous n'aviez jamais souffert auparavant, jamais pleuré, jamais été meurtri, jamais haïs. Son visage posé contre vous, comme une pétale, son souffle chaud sur votre nuque et la brume qui vous enlace, qui cimente vos deux êtres.
Nous regardons vers le ciel et devinons la lune qui nous épie à travers cet épais brouillard. Même, elle, semble attendrie par cette image de deux amants figés comme sur une photo sepia.
Chaque seconde qui passe est une odyssée vers la plénitude, vers l'ecstase. Il ne s'agit pas d'amour mais de tendresse et de complicité comme seuls les enfants savent le ressentir. Nos doigts se cherchent, se trouvent, s'effleurent et nous rions comme enivrés par un étrange nectare. Nous ne savons pas de nous deux, lequel a le coeur qui bat plus fort que l'autre. Ce moment ne durera pas éternellement  mais il sera suffisant pour combler ce vide en nous pour les années à venir.
Je viens de rajeunir de dix ans, il vient d'en gagner dix et nous nous trouvons exactement là où nous le voulons, dans cet espace où tout semble évident et précieux. Un dernier baiser brûlant qui scelle ce moment d'éternité, là, dans la brume du soir, au milieu de nulle part.